Les morts ne sont pas morts. Ils vivent à travers leurs œuvres. Bien que mort, Manu Dibango a su laisser, à l’Afrique et au monde entier, un riche héritage. Le saxophoniste, jazzman camerounais est l’auteur de Soul Makossa, tube à résonance universelle. Auteur de plusieurs productions musicales et un ouvrage littéraire, il a toujours puisé son inspiration de ses racines africaines et au cours de ses rencontres multiculturelles. Un mélange culturel qui fait de lui un homme exceptionnel. Sa vie, un véritable parcours de combattant avec à la clé plusieurs succès et décorations.
Manu Dibango a grandi dans un milieu protestant. De son vrai nom Emmanuel N’Djoké Dibango, il est surnommé Papagroove ou Papa Manu. Dès le bas âge, il s’initie au chant dans la chorale du temple que dirige sa mère. Exilé en France au printemps 1949, il est accueilli dans la ville de Marseille, avant de se rendre dans la Sarthe, puis à Chartres et à Château-Thierry, où ses parents l’envoient pour préparer son bac. Selon France Musique, c’est à ce moment précis que Papagroove découvre le jazz, et bientôt Armstrong, Ellington, Young, Parker résonneront comme une source d’influences.
La musique au détriment des études
Manu Dibango va très vite se lancer dans l’apprentissage du piano. Il s’initie ensuite au saxophone, puis commence à se produire. Le futur papagroove avait plus de temps pour la musique que les études. Il échoue par deux fois au concours du baccalauréat. Ce qui va amener son père à lui couper les vivres en 1956 parce qu’il n’apprécie pas vraiment son style de vie. Manu Dibango partira alors pour Bruxelles où il aura l’occasion d’exercer pleinement de son tallent de musicien.
A Bruxelles, Manu Dibango fréquente le milieu congolais, alors que le Congo belge s’engage sur la voie de l’indépendance. Dans la foulée, il est engagé par Grand Kalle dans son orchestre afro-jazz. Le retour de Manou au Cameroun en 1963 est difficile. Il décide de revenir donc en France où il fera carrière.
En 1967, à la tête de son premier Big Band, il rencontre Gésip Legitimimus et travaille pour une série d’émissions télévisés avec Dick Rivers et Nino Ferrer, pour qui il joue de l’orgue Hammond, du saxophone, et dirige l’orchestre.
Soul Makossa, le début de la popularité de Manu Dibango
Papa Manu enregistre un premier album très jazzy en 1969. L’année 1972 sera celle de Soul Makossa, tube à résonance universelle qui le rendra célèbre. Avant de collaborer avec Serge Gainsbourg dans les années 1980, en 1975, dans la ville d’Abidjan, il a été à la tête de l’Orchestre de la Radio-Télévision ivoirienne pendant 4 ans.
Pour se différencier des autres, Manu fusionne jazz et musiques africaines, avec des incursions afro-électro-funk. Tout ceci rendait singulières ses productions. En 1986, il se voit décorer de la médaille des Arts et des Lettres par le ministre de la culture française de l’époque, Jack Lang.
Manu Dibango et les géants de la musique africaine
Il enregistre dans le compte de la célébration de son soixantième anniversaire, un album de reprises des plus grands succès africains intitulé « Wakafrica ou l’Afrique en route », en collaboration avec de grandes personnalités comme : Youssou N’Dour, Salif Keita, Papa Wemba, Angélique Kidjo, Peter Gabriel, Manu Katché, et d’autres personnalités. Il se voit remettre une Victoire de la Musique pour le second volume des Négropolitaines.
Manu Dibango, c’est aussi l’homme des combats humanitaires, Il apporte de l’aide aux jeunes talents prometteurs, immortalise ses musiques d’Afrique sur partitions. Spécialement, France Musique remémore son passage aux côtés de Juliette Binoche en faveur d’une action contre le réchauffement climatique. Le saxophoniste sort un livre autobiographique (Manu Dibango, balade en saxo dans les coulisses de ma vie) en marge de ses quatre-vingts ans. Simultanément, il lance un nouvel album qui porte le même nom dans lequel il rend hommage à des grands jazzmen et artistes de la chanson française.
En 2015, Manu Dibango est nommé Grand Témoin de la Francophonie aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Rio 2016. Cette même année, il passe en vedette au premier Jazz Festival de Port-Barcarès. Honoré en février 2017 d’un Lifetime Award pour l’ensemble de sa carrière qui lui est remis à la cérémonie des Afrima (All Africa Music Awards) organisée au Nigeria, Manu Dibango participe peu après au festival international de jazz du Cap en Afrique du Sud où il collabore avec le saxophoniste mozambicain Moreira Chonguica.
Le covid-19 emporte Papagroove
Peu avant sa mort, le musicien continuait par faire parler de lui. Vers la fin de l’année 2018, il était à Luanda pour le musicien angolais Bonga. Pour ses soixante ans de carrière et ses 85 ans, le saxophoniste initie un nouveau projet baptisé « Safari symphonique ». Une représentation a lieu en juillet 2019 au festival Jazz à Vienne, avec l’orchestre national de Lyon, où le Camerounais s’entoure de deux (02) invités spéciales, la Brésilienne Flavia Coelho et l’Ivoirienne Manou Gallo.
« Safari symphonique » est repris à Paris, au Grand Rex, aux côtés de l’orchestre Lamoureux. Manu Dibango meurt le 24 mars 2020, à Paris, après avoir été contaminé par le Covid-19. Il laisse derrière lui un riche héritage discographique.
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Retour sur 06 dates importantes dans l’histoire de Manu
- 1972 : Sortie de son premier grand tube « Soul Makossa »
- 1993 : Victoire du Meilleur Album de musique de Variétés Instrumentales de l’année 1992 (album « Néogropolitaines, volume 2 »)
- 2003 : Grand Prix de l’Académie Charles Cros
- 2004 : Artiste de l’Unesco pour la paix
- 2009 : Grand Prix de la Sacem pour l’ensemble de sa carrière
- 2010 : Chevalier de la Légion d’Honneur
Manu Dibango en 06 enregistrements
- 1972 : O Boso (Fiesta)
- 1986 : Afrijazzy (Soul Paris Records/distr. Mélodie)
- 1994 : Wakafrika (Wotre Music/distr. WMD)
- 2007 : Manu joue Sydney Bechet (Cristal records)
- 2008 : African Vooddoo (Frémeaux & Associés)
- 2011 : Past Present Future (Borderblaster/distr. Musicast)
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