Les hommes naissent, grandissent et meurent. Parfois, au cours de ce cycle de vie, il peut arriver qu’on naisse avec un handicap, ou, qu’au cours de notre existence, par des circonstances de la vie, on se retrouve privé d’un de ses membres ou d’une de ses facultés. Le handicap, peut subvenir à tout moment de la vie humaine et est souvent source de beaucoup d’injustices sociales. Dans un environnement déjà macho, où les femmes sont privées de certains de leurs droits tout en subissant des violences, celles handicapées, se retrouvent entre le marteau et l’enclume. La vie au quotidien pour celles-ci est pénible et les moyens de s’adapter sont difficilement trouvables.
Reine Mawussé a 38 ans, est handicapée moteur. Couturière, elle vend de petites choses dans sa modeste pièce, qui lui sert de boutique en même temps. Elle se déplace avec une prothèse qui malheureusement, vieille de plus de 25 ans, ne lui est plus indispensable. Sans prothèse, ni fauteuil roulant, elle se retrouve dans une situation encore plus délicate : elle est enceinte de son premier enfant. L’auteur de sa grossesse, absent depuis l’annonce de cette nouvelle. « Au départ, il m’a dit qu’il va me faire des savons pour que mes affaires marchent. J’ai accepté, mais je n’arrivais pas à vraiment utiliser les produits. Il me propose alors de passer souvent prier pour moi, parce que selon ce qu’il me disait, il souhaitait être mon mari. J’ai hésité au départ, mais il m’a rassuré et j’ai accepté », nous a confié Mawussé.
Au fil des mois, la confiance s’installa, les visites se multipliaient et Mawussé a cédé. Ce Monsieur, nous allons l’appeler Messan. Puisque Mawussé ne peut pas se déplacer seule, elle s’appuie sur Messan pour ses courses. Ce qu’il a l’habitude de faire tout en prenant soins d’exiger une rémunération pour le service rendu. Sauf qu’à l’annonce de la grossesse de Mawussé, Messan a disparu. « Je lui ai remis l’argent pour acheter mes affaires pour les emballages que je fais. Depuis, il n’est plus revenu. Quand je l’appelle par rapport à la grossesse, il ne décroche pas. Quand je souhaite qu’il m’accompagne à l’hôpital, il exige que je paye son déplacement. Aujourd’hui, je n’ai plus de ses nouvelles », a précisé Mawussé. Sa grossesse, aujourd’hui a 6 mois. Elle n’est allée à l’hôpital qu’une seule fois pour la consultation prénatale.
Ce témoignage de Mawussé, est l’exemple parfait de la difficulté des femmes handicapées à s’épanouir dans notre société. Elle n’est pas seule, elle partage cette même réalité avec de milliers de femmes : escroquerie, abandon, manque de ressources financières, accès difficile aux soins de santé…
Handicapée et exclue
Mawussé, pour sa première consultation prénatale, s’est réveillée à 03h du matin comme elle en a l’habitude pour se préparer : « Les toilettes de la maison ne me sont pas accessibles. Donc, pour me doucher, je me réveille très tôt autour de 3h du matin pour le faire dans la cour de la maison histoire que personne ne me voit ». Une femme enceinte, qui est obligée d’écourter son sommeil pour se doucher est une peine de plus. Les toilettes de la maison où elle loue sa chambre ainsi que presque toutes les habitations sont construites sans tenir compte des personnes handicapées.
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Les infrastructures de bases telles que les marchés, les restaurants, hôtels, les toilettes publiques, les écoles…sont construites souvent sans accès pour les personnes handicapées. Ce qui, automatiquement, les exclut de la vie sociale et limite leur accès à un emploi ou à une activité génératrice de revenus: « Je peux vous compter les quelques fois que je suis allée au marché. Je suis toujours obligée d’attendre quelqu’un pour l’envoyer parce que je ne pourrai pas y aller en fauteuil roulant », a affirmé Mawussé.
Dans les centres de santé, des difficultés existent tant bien que mal. Les lits de consultation gynécologique, les tables d’accouchements généralement, ne prennent pas en compte les besoins des femmes handicapées : « La première fois que j’étais allée à l’hôpital pour une infection vaginale, il a fallu que le médecin appelle d’autres personnes à l’extérieur pour me déposer sur le lit. C’était honteux pour moi », a confié Diane, une femme handicapée, la quarantaine. L’autre difficulté dans les centres de santé pour les personnes malentendantes, c’est de pouvoir converser fluidement et parler de leurs maux à l’agent de santé. Les structures de santé, ne disposant pas de traducteurs en langage de sourds, il est difficile pour cette catégorie, d’aller seule au centre de santé.
L’inclusion pour autonomiser la femme handicapée
Face à ces difficultés, la femme handicapée, consomme son exclusion de la vie sociale et peine à contribuer au développement de sa communauté. Il urge donc de trouver voies et moyens pour permettre à celle-ci d’être. « Tout ce que je souhaite, c’est être autonome. Je ne veux pas toujours faire appel aux gens pour faire ci ou ça. Je ne veux pas faire pitié », a affirmé Mawussé, d’un ton ferme.
« Le plus grand défi pour la femme handicapée, c’est l’autonomisation financière. Tu ne peux rien faire sans autonomie financière. Mais, il faut relever, qu’on peut avoir cette autonomie financière et vivre exclut de par notre environnement », a déclaré Lawson Kouevi Chantal, Coordinatrice du FIFHEP (Forum International des Femmes Handicapées Emergentes en Politique).
Le gouvernement togolais, s’inscrit dans la recommandation des ODD, ‘ne laisser personne de côté’. Le ministère de l’action sociale, de la solidarité et de la promotion de la femme joue sa partition à travers des projets exécutés ici et là de façon générale pour les personnes handicapées. Le projet « Améliorer la vulnérabilité et l’autonomisation grâce à de nouvelles capacités et à un engagement accru au Togo » (AVANCE -Togo) en est un exemple.
Les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes besoins, les mêmes défis. Concevoir des projets en fonction de leur besoin ou encore adapter des projets en fonction de leurs besoins, reste plus que nécessaire. C’est justement pourquoi, dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, AfrikElles Média a décidé de relever les inégalités qui existent entre les humains et relever les violences faites aux femmes handicapées à travers une campagne de communication. Sous le thème : « Agir ensemble pour lutter contre les violences faites aux femmes handicapées », cette campagne de communication vise à lever les voix des femmes handicapées et à plaider pour un monde plus inclusif.
Source : AfrikElles