La candidature de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle prévue en octobre 2025 en Côte d’Ivoire fait débat dans le pays où des observateurs et des acteurs du milieu politique s’interrogent sur le bien-fondé et l’opportunité de cette décision.
Porté par des milliers de partisans, Laurent Gbagbo a été investi en fanfare le 10 mai à Abidjan candidat du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI, opposition) à l’élection présidentielle de 2025.
Rentré d’exil, Laurent Gbagbo a abandonné le Front populaire ivoirien (FPI) qu’il avait créé en 1982 pour fonder le PPA-CI en 2021. Cette décision crée la polémique. Et pour cause : la situation juridique actuelle du leader du PPA-CI le disqualifie de la course à l’élection présidentielle.
Agé de 78 ans et président de la République entre 2000 et 2011, Laurent Gbagbo est le premier à officialiser sa volonté de briguer la magistrature suprême en Côte d’Ivoire en 2025.
Au terme de la présidentielle de 2010, M. Gbagbo avait été déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel qui a annulé les résultats de la CEI accréditant Alassane Ouattara de 54,1% des voix contre 45,9% pour Laurent Gbagbo. La crise post-électorale avait fait plus de 3.000 morts et conduit Laurent Gbagbo devant la CPI à La Haye.
Laurent Gbagbo a été retiré de la liste électorale par la Commission électorale indépendante (CEI) après sa condamnation à 20 ans de prison et à une peine privative de ses droits civiques dans le cadre du procès du braquage de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Abidjan en 2010 lors de la crise post-électorale.
Après avoir été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) dans son procès pour crimes contre l’humanité lors de la crise post-électorale, Laurent Gbagbo a bénéficié en 2022 d’une grâce présidentielle qui n’annule pas sa condamnation par la justice ivoirienne.
Pour les partisans de Laurent Gbagbo, miser sur un leader pour l’instant inéligible est une « décision politique ». « Son nom ne figure pas sur la liste électorale donc il n’est pas éligible, mais nous savons tous que la condamnation pour le braquage de la BCEAO qu’on brandit comme étant la raison pour laquelle il est privé de ses droits est une condamnation purement politique », a indiqué le secrétaire général du PPA-CI, Jean-Gervais Tchéidé
Le politologue Sylvain N’guessan, a pour sa part estimé qu’au sein du PPA-CI, Laurent Gbagbo était « le seul capable d’affronter des dinosaures comme Alassane Ouattara, le seul qui ait la carrure d’emporter une élection présidentielle ».
Des observateurs de la vie politique ivoirienne voient aussi dans la détermination de Laurent Gbagbo le signe d’un combat personnel avec son rival Alassane Ouattara. « Le match retour doit avoir lieu », comme le clament certains pro-Gbagbo.
Le président Alassane Ouattara, ne s’est pas encore déclaré dans la course à la présidentielle de 2025 malgré les appels assourdissants de ses partisans.
Pour le président du FPI, Pascal Affi N’guessan, ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo, la volonté de son ancien compagnon de lutte politique de participer au jeu électoral est un clin d’œil à la réconciliation nationale. « On ne peut pas faire la réconciliation si certains acteurs majeurs sont victimes d’actes d’hostilité », a-t-il dit, demandant « qu’un geste soit fait au nom de la réconciliation ».
La réponse du gouvernement est pour l’heure sans ambiguïtés : l’inéligibilité de l’ex-chef de l’Etat est une « question de justice ».
Selon le gouvernement, l’inéligibilité de Laurent Gbagbo n’est que la conséquence d’une décision de justice transmise à la CEI. « Cela reste une question de justice, nous sommes dans un Etat de droit et je pense que M. Gbagbo est quelqu’un qui croit en l’Etat de droit et qu’il saura respecter les décisions de justice », a indiqué le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly.
Le politologue et essayiste ivoirien Geoffroy Julien Kouao a jugé que « l’éligibilité ou non de Laurent Gbagbo en 2025 serait une question moins juridique que politique ». « Tout dépendra du rapport de force au moment venu », a-t-il affirmé.
Le 15 mars, le PPA-CI a adressé une lettre au Premier ministre ivoirien Robert Beugré Mambé pour solliciter une entrevue afin de discuter de la réintégration de Laurent Gbagbo sur la liste électorale. Le Premier ministre n’a pas encore répondu à la sollicitation du PPA-CI. Fin
Xinhua
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