Une empreinte de génie dégageant une esthétique universelle, du point de vue de l’histoire de l’art, symbolise l’univers créatif de l’artiste Koumy. Cet apôtre Jean de l’art qui a plus de quarante (40) ans de pratique artistique dans les tripes mérite amplement l’attention particulière que lui porte les curieux et amateurs d’art, partout où il pose ses valises. Il détient les secrets de son esthétique comme tout bon créateur. Ces compositions richement colorées laissent découvrir une faune et une flore d’êtres et d’objets imaginaires. Partons à la découverte de Jean Koumy et creusons son imaginaire ainsi que son esthétique artistique. Comment et avec quoi travaille-t-il ?
L’artiste et sa libre création
A onze ans, le talent du petit génie s’est déjà affirmé à travers une première série de modèles « Koumy », où, rythmique, contraste et explosion de couleurs se disputent l’attention de l’observateur. Aujourd’hui avec la soixantaine bien sonnée, il continue de peupler ses œuvres d’animaux fantastiques, d’éléments naturels, de couleurs et de personnages qui s’englobent dans un monde que l’on peut appréhender en profondeur. Ces compositions de formes organiques utilisent un langage visuel d’une grande clarté qui touche l’imagination d’un public conquis. Koumy s’est exposé presque partout. Aujourd’hui ses créations se comptent par centaines dans de prestigieuses collections publiques comme privées. Il s’agit d’un beau parcours pour cet autodidacte modeste à la générosité débordante.
Koumy s’adapte aisément à tout environnement de travail qui s’offre à lui notamment dans ses ateliers en Europe tandis qu’à Lomé, l’artiste travaille dans sa maison, en plein air.
Cette liberté est la charpente de sa création, qui n’a pas besoin de croquis ni d’esquisses. Sa spontanéité dans la création s’apparente à un automatisme, ce qui lui laisse une totale liberté. Chaque jour lui apporte une vision artistique et foisonne sans ordonnancement son envie de peindre couplée d’un tempérament positif qui se reflète sur ses œuvres.
Koumy communique à ses créatures sa lumière et sa joie de vivre dans la recherche du bien-être. C’est ce que semble nous dire Jean-François Billeter quand il reconnait : « Les grands peintres nous enseignent comment se forment en nous les mondes que nous voyons. Ils nous introduisent dans le laboratoire où s’élabore notre rapport au visible. » La création de l’artiste est l’incarnation même du triptyque « voir, s’émouvoir et savoir ». Afin d’aboutir à ses couleurs vives et formes lumineuses, Koumy manie à perfection de la peinture acrylique, des encres en général surtout l’encre de chine, de la craie et du vernis. Il a même poussé la recherche chromatique jusqu’à la mise au point d’une couleur bleue spécifique, « le bleu Koumy » qui a véritablement du succès.
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Les œuvres de Koumy
L’artiste s’inspire de l’environnement ambiant, de la nature, des végétaux, des hommes, des femmes, des animaux, etc. Sous ses pinceaux, les résultats donnent des couleurs gaies et des formes souples à la limite de l’abstraction qui se marient entre elles et vont bien ensemble comme dans une belle mosaïque. Les différentes couleurs, qu’elles soient uniformes ou dégradées ; claires ou sombres ; froides, chaudes ou chatoyantes ; contrastées ou non, s’imbriquent dans des formes aux contours épais ou fins donnant une texture à la fois lisse et scintillante. Cette harmonie des images est l’expression de la matière que transforme l’artiste. Koumy peint sur le papier, la toile, les supports en bois, en vitre, les murs et réalise de la sculpture en ciment.
Il réalise également de la mosaïque qui est un assemblage décoratif de petites pièces multicolores (pierres, marbres, carreaux, émail, verres, bois etc..) dont la combinaison forme un motif décoratif qui pare le revêtement d’un sol, d’une piscine, d’un mur, d’un plafond ou la surface de tout objet, une table, un vase. D’une manière générale chez Jean Koumy, il est souvent question de revêtement des murs.
Véritable touche à tout, l’artiste n’installe pas de ligne de démarcation entre les tableaux et la sculpture. Les œuvres, souvent sans titre font partie de la série générique des « Rêveries de Koumy ». De l’ensemble des œuvres de notre apôtre Jean de la culture de la paix et de l’amitié des races, émergent des cœurs qui occupent une place de choix. Par endroits il est à remarquer des gros cœurs, de moyens cœurs et de petits cœurs. Ces cœurs de toutes les dimensions et de toutes les couleurs appellent à l’amour, à l’estime de soi et de son prochain. Koumy est un artiste accompli qui vit entre l’Europe et le Togo, son pays natal.
Un artiste entre deux espaces
L’artiste évolue entre deux mondes qui fécondent véritablement sa création :
Il y a d’abord le Togo, la terre de ses aïeux qui l’a vu naître et grandir et qui constitue son fief ou sa base arrière. A la fois source d’inspiration et point de chute, c’est lui que l’artiste porte dans son cœur comme dans sa tête. Le Togo exerce aujourd’hui sur l’artiste une force magnétique extrêmement puissante au point de l’amener à appréhender le projet de s’y fixer définitivement.
L’Europe vient en seconde position où l’artiste a eu à poser ses valises entre la Belgique, la France et l’Espagne. Il s’agit d’un espace d’apprentissage, d’interrogations et de maturation grâce aux facilités relatives au progrès. On pourra donc donner raison à Fatou Diome qui précise : « Partout on marche, mais jamais vers le même horizon (…) En Europe, je marche dans le long tunnel de la performance qui conduit à des objectifs bien définis. Ici, point de hasard, chaque pas mène vers un résultat escompté ; l’espoir se mesure au degré de combativité ».
Une motivation supplémentaire à en croire l’auteure du Ventre de l’Atlantique :
« Le sang oublie souvent son devoir, mais jamais son droit (…) Il me fallait réussir afin d’assumer la fonction assignée à tout enfant de chez nous : servir de sécurité sociale aux siens. Cette obligation d’assistance est le plus gros fardeau que traînent les émigrés. »
Les arts plastiques constituent un ensemble de disciplines artistiques consacrées à la beauté, à l’expressivité des formes, des couleurs qui visent à donner des corps, des objets, une représentation et une impression. Dans le cas d’espèce de l’artiste Koumy, ces signes se chargent et déclenchent des émotions ; une totale puissance de communion qui procure de la bonne humeur. La texture des œuvres de Koumy pourrait pourquoi pas rentrer dans la composition des motifs des pagnes multicolores des femmes et les tenues chamarrées des jours de fête en Afrique.
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Adama AYIKOUE, Critique d’art