La pandémie du coronavirus continue de faire son bout de chemin et tous les états se démènent pour trouver des solutions pour contrer ce fléau qui fait des milliers de morts les semaines durant. L’enjeu est à la fois médical, financier, géopolitique et même au-delà. Alors que le débat fait rage entre les médecins à propos de l’efficacité de la chloroquine contre le nouveau coronavirus Covid-19, les Etats, eux, ont pris les devants. L’américain Donald Trump y voit un remède miracle quand le français Emmanuel Macron se rapporte à un comité scientifique boycotté depuis peu par l’atypique Didier Raoult, cet infectiologue hors système, patron de l’institut Hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille, « nouveau Christ » selon les uns, « fou furieux » selon les autres rapporte le site d’informations Financialafrik.
Pendant ce temps, la course aux stocks a commencé dans le monde. Le gouvernement marocain a réquisitionné le stock de chloroquine disponible dans le pays auprès des laboratoires Sanofi, le seul du pays qui produit les deux médicaments à base de chloroquine — Nivaquine et Plaquenil, utilisés contre le covid-19.
L’Algérie voisine dispose elle d’un stock largement suffisant selon les autorités. Dans ce cadre, Dr Bekkat Berkani, président du Conseil de l’ordre des médecins et membre du comité scientifique de veille et de suivi de l’évolution de l’épidémie du Coronavirus (COVID-19), a annoncé mardi dans une déclaration sur les ondes d’une radio locale que le ministère de la Santé a commencé à tester le médicament avec quelques cas graves infectés par le virus « Coronavirus » hospitalisés l’hôpital El Kettar d’Alger. Autre pays maghrébin, la Tunisie où le Directeur des soins et de Santé de base, Chokri Hamouda, a annoncé, mardi 24 mars, le démarrage des essais cliniques de base en coordination avec le laboratoire national de contrôle des médicaments, le centre national de pharmacovigilance, et l’instance nationale de l’évaluation, et de l’accréditation en Santé (INEAS). Le pays s’est procuré d’importantes quantités de chloroquine.
De l’autre côté de la rive du Sahara, le scepticisme semble l’emporter sur la vision de la chloroquine comme remède miracle contre le covid-19. Au Sénégal, le professeur Pr Daouda Ndiaye, chef du service de parasitologie de l’hôpital Aristide Le Dantec, estime dans un entretien à WalfQuotidien, qu’il « n’y a pas de preuves formelles » pour dire que la chloroquine soigne cette maladie.
En dépit de cet intérêt soudain pour l’un des médicaments les plus connus en Afrique, l’on ne relève pas une effervescence particulière chez les particuliers, ni une anticipation auprès des pouvoirs publics pour acquérir ce médicament dont le prix est appelé grimper. Le Figaro du 22 mars écrivait qu’en quelques jours, « les réserves des pharmaciens ont été mises à sec » au Burkina Faso, au Sénégal mais aussi en Afrique centrale, au Cameroun. D’autre part, des enquêtes menées à partir du 11 mars par le réseau ouest-africain Anthropologie des Epidémies émergentes, en lien avec le réseau Sonar-Global, indiquaient que des commerçants africains ont constitué des stocks pour répondre à la demande. Les réseaux parallèles en provenance du Nigeria et de l’Inde se frotteraient les mains. Pour parer à la prolifération du commerce illicite, Interpol a mené une opération de lutte contre le commerce en ligne de produits médicaux contrefaits entre le 3 et le 10 mars, arrêté 121 personnes et saisi l’équivalent de 14 millions de dollars de produits potentiellement dangereux, parmi lesquels des antiviraux actuellement non autorisés contre le coronavirus comme la chloroquine.
Aux USA, si Donald Trump a assuré que la chloroquine pourrait être rapidement disponible « sur ordonnance », la Food and Drug Administration (FDA) a elle nuancée les promesses présidentielles. «Le président nous a demandé de regarder de plus près ce médicament. Nous voulons faire cela en mettant en place un essai clinique étendu et pragmatique pour recueillir ces informations et répondre à toutes les questions qui se posent», a expliqué le directeur de l’autorité régulatrice en matière de médicaments, Stephen Hahn.
En France, la seule unité de production, Famar, lâchée par le fonds d’investissement KKR, en redressement judiciaire et à la recherche de repreneur, pourrait valoir son prix d’or si le professeur Raout, tel un Ignace Semmelweis qui avait découvert avec Pasteur les bienfaits du lavage de main en milieu hospitalier mais dut faire face sa vie durant, au conservatisme de la science, remportait la bataille, soutenue qu’il est par l’opinion publique et une vaste pétition adressée au président Emmanuel Macron.
La chloroquine n’est pourtant pas une innovation. Utilisée depuis 70 ans contre le paludisme, c’est l’un des médicaments les plus connus en Afrique même si essentiellement importé à l’instar de la plupart des produits de première nécessité.
Bref, dans les semaines à venir, nous assisterons à une course vers la production et l’achat de la chloroquine. Déjà Sanofi propose de mettre à la disposition de la France plusieurs millions de doses pour traiter gratuitement 300 000 patients. Le Suisse Novartis dispose de 130 millions de comprimés et lance un fond d’aide mondial de 20 millions de dollars quand Bayer organise en urgence la production et l’israélien Teva propose 6 millions de doses aux hôpitaux américains. Vieux médicament peu rentable et produit dans les unités secondaires, la chloroquine connaît une seconde jeunesse avec le Covid-19.