Conserver et promouvoir le Koutammakou et sa culture restent et demeurent le deuxième objectif général du Plan d’action 2022-2024 contenu dans le document du Plan de conservation et de gestion 2022-2024 du Koutammakou, le pays des Batammariba. En cette année 2024 qui est le vingtième (20ème) anniversaire de l’inscription du site sur la prestigieuse Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, de nombreuses activités ont été déjà exécutées, en vue de l’atteinte des objectifs des différents Plans de conservation et de gestion du bien. Valoriser la culture tammari et promouvoir un tourisme respectueux des valeurs intrinsèques du site par exemple fait appel aux composantes immatérielles du Koutammakou. Parmi les éléments de ce riche patrimoine immatériel, figure en bonne place Boussetié.
Boussetié
Boussetié est une fête des moissons et de purification qui est célébrée dans tout le Koutammakou (les cantons de Nadoba, Warengo et Akpontè) avec une spécificité dans le canton de Koutougou. Il s’agit d’une danse sur fond de fête à l’occasion de la nouvelle igname de décembre à février. Il y a deux aspects en ce qui concerne Boussetié : l’aspect sacré et purification et l’aspect festif et profane. Il s’agit après tout d’une fête de purification et d’expiation des Batammariba par une eau bénite. Au cours de cette célébration rituelle, la corne sacrée est utilisée pour conjurer le mal et bénir les récoltes. Boussétié est également célébré pour prôner l’esprit de paix, de cohésion sociale et le vivre ensemble.
Sa signification culturelle reste et demeure une offrande à la divinité Fayenfé en l’honneur de la moisson d’igname sur fond de danse et de cérémonie de purification. Les éléments matériels ou immatériels associés sont des chansons satiriques et dithyrambiques, les maracas, l’espace de danse, les cornes de bubale. Pour s’adresser à la divinité, les prêtres utilisent une langue soutenue pendant qu’entre initiés dans l’ambiance de la fête, le registre reste familier voire relâché.
L’élément Boussétié étant viable, a besoin d’être protégé. Cependant certaines menaces pèsent sur la pratique comme le refus et le rejet de la jeunesse. La protection traditionnelle est l’affaire d’écoles ésotériques et sa gestion traditionnelle repose sur le détenteur du sanctuaire de Fayenfé, les prêtres, etc. Les chefs de cantons et de villages sont quant à eux les garants de l’aspect profane.
La viabilité des éléments matériels et immatériels associés sont l’autel Fayenfé, le sanctuaire Fayenfé, les rituels liés à Boussetié, le rituel de purification, les chansons, les danses, les incantations, les prières, l’exorcisme, les accoutrements, les rites sacrificiels.
Boussetié du Maire de la Commune de Kéran 3
Présidé par Monsieur N’DAH Ntcha Lapoili, Maire de la commune Kéran 3, tout a commencé tôt le matin au son du cor de la paix « Boussétié » et la consécration en eau sacrée et thérapeutique par les autels expiatoires devant les sikien du musée communautaire du Service de conservation et de promotion du site Koutammakou à Nadoba. Après la partie officielle et protocolaire, une présentation suivie des échanges autour du thème « Boussétié, son sens et son rôle dans la vie des Batammariba » animés par le promoteur culturel N’POH Roger Tanti a captivé l’assistance. Ensuite, il y a eu l’accueil de l’entrée en procession des différents groupes et acteurs d’expressions « Boussétié » par le maître de l’évènement, médiateur et promoteur de la paix N’POHYETOUHO Boini N’Kpati. Par moments et par endroits il y a eu aspersion des foules. Le point d’orgue des manifestations a été la prestation des différents groupes et acteurs d’expressions « Boussétié » en liesse prônant la paix et le vivre ensemble. Les danses se sont transportées aux domiciles des différentes autorités communales jusqu’au bout du petit matin.
Célébré dans une effervescence particulière après une cinquantaine d’années, la cité des Batammariba a vibré ce samedi 08 juin 2024 au rythme de Boussétié. L’esplanade des locaux du Service de conservation et de promotion du site Koutammakou qui servi de cadre aux manifestations en présence des autorités politico-administratives, religieuses et traditionnelles ainsi qu’un parterre de population venue du Koutammakou Togo, Bénin, de Kara, de Lomé et de la diaspora. L’évènement qui est à sa première édition a été financé par le Fonds national de promotion culturelle du gouvernement togolais.
Cette grande manifestation culturelle et artistique du genre, organisée en ce mois de juin à Nadoba, a regroupé les danseurs, les chanteurs, les conteurs, les tradi-thérapeutes, les artistes de tout bord, les artisans, les sages, les personnes ressources, les prêtres traditionnels, les intellectuels et les autorités politico administratives du Togo et du Bénin. Ce grand rendez-vous culturel aura eu le mérite de rassembler tous les fils et filles de la commune de Kéran 3 autour de la chose la mieux partagée qu’est le patrimoine culturel.
Cet espace culturel qu’est Koutammakou reste et demeure le témoin et le creuset de fabuleuses connaissances de cette communauté, et de sa permanente recherche de l’harmonie avec l’environnement qui l’entoure. La chefferie traditionnelle en collaboration avec le Conseil municipal a le devoir véritablement de s’impliquer davantage dans l’organisation des prochaines éditions de ce rendez-vous chargé de valeurs thérapeutiques, de paix, de réconciliation, de purification et de cohésion sociale qui tend à s’effacer dans la mémoire collective des Batammariba. La culture, le patrimoine sous toutes ses formes des Batammariba avec comme véhicule la langue ditammari vont plus loin et traversent largement la rivière Kéran en tant que Patrimoine mondial de l’Humanité.
Adama AYIKOUE,
Gestionnaire du Patrimoine culturel
Lire aussi : Vers la validation du rapport d’étude de faisabilité du projet de Valorisation du site Koutammakou