Alors que les élections législatives et régionales prévues initialement pour le 20 avril sont une nouvelle fois reportées, l’atmosphère se crispe sur fond d’appel à manifester contre la nouvelle Constitution et le nouveau report des élections. Pourtant, Faure Gnassingbé a décidé de calmer le jeu. « Le président de la République, attentif à l’intérêt manifesté par les populations à l’endroit de cette importante réforme, et dans un esprit d’ouverture et de dialogue constructif, a encouragé les députés à rester à l’écoute de tous les acteurs concernés, en vue de tenir compte de toutes les contributions tendant à enrichir notre Constitution », indique en effet un communiqué de la présidence, mercredi 3 avril.
Jeudi matin sur les ondes de la radio privée Victoire Fm et sur Rfi, Gilbert Bawara, cadre de l’Union pour la République (UNIR, parti au pouvoir) et ministre de la Fonction publique, expliquant les raisons du nouveau report des élections renchérissait en ces termes : « La deuxième lecture de la révision constitutionnelle demandée par le président Faure Gnassingbé est une opportunité offerte à l’ensemble des parties prenantes pour sortir des logiques d’obstruction afin d’améliorer le travail déjà effectué par l’Assemblée nationale ».
Il n’en fallait pas plus pour que certains (partis d’opposition et organisations de la Société civile) appellent les Togolais à manifester les 11, 12 et 13 avril prochains. Pour eux, il n’est pas acceptable de suspendre la campagne électorale et de reporter les élections, le corps électoral ayant été convoqué par un décret.
Cependant, en annonçant des concertations tous azimuts avec l’ensemble des acteurs, le président de la République et le gouvernement n’ont fait que vite saisir la balle au bond dans un souci d’apaisement et de recherche de consensus autour de cette révision constitutionnelle votée le 25 mars dernier par le Parlement.
C’est dire que si Faure Gnassingbé reste un maître du jeu, d’autant plus qu’il lui revient de promulguer cette nouvelle Loi, il prend lui-même toute la mesure et la portée de ce que représente ce changement pour notre pays, en tant que garant de l’unité nationale, en remettant à plus tard les échéances. En tout cas, Faure Gnassingbé aurait voulu rendre l’appareil aux députés qui ont pris l’initiative, de la proposition du texte jusqu’à son vote, qu’il se serait pris autrement. C’est ce qui fait dire, du reste, à certains que le scénario ne semble pas tout tracé comme certaines langues tentent de le faire croire.
A quoi s’attendre ?
Cela dit, maintenant que le chef de l’Etat a demandé à l’Assemblée nationale de procéder à un examen en seconde lecture et de consulter l’ensemble des parties prenantes, à quoi faut-il s’attendre ? combien de temps cela prendra-t-il ? va-t-on vers la création d’une commission spéciale ? un référendum est-il finalement concevable ?…
S’il est encore tôt pour répondre par l’affirmative à ces questionnements, il faudra cependant saluer la politique d’ouverture et de la montre que joue Faure Gnassingbé, en jetant toutes ses forces pour parvenir à un processus de qualité.
Pour un geste d’apaisement, c’en est un. Cette patience qui passe avant tout. Et qui ouvre sérieusement les perspectives à tous les possibles, car nous sommes en politique. Et rien n’est totalement joué à l’avance.
Toutefois, au regard du silence total sur une nouvelle date des élections et des positions tranchées qui sont celles actuelles de certains ténors de l’opposition et de la société civile, on se demande si le léger réaménagement du calendrier électoral dont parle le gouvernement n’est pas juste un « doux euphémisme politique ». Car, des consultations sur une question aussi cruciale pourrait prendre du temps. D’autant surtout, comme le soutient si bien le ministre Bawara, il faut que les électeurs et toutes les parties prenantes possèdent les règles du jeu, avant l’avènement du jeu. « Il est logique que les Togolais soient conscients, soient édifiés sur les implications de leurs votes, notamment le fait que les conseillers régionaux qui seront élus, s’ajouteront aux conseillers municipaux pour procéder à l’élection des sénateurs et que pour les députés qui seront élus, c’est le parti ou la coalition majoritaire à l’Assemblée nationale qui aura vocation à désigner le président du Conseil des ministres…Et ce sont ces députés élus et les sénateurs qui éliront le président de la République en congrès. »
Toujours est-il que pour les prochaines élections législatives et régionales – au regard non seulement des enjeux électoraux, mais de l’appropriation de la nouvelle loi, du minimum de pédagogie et de sensibilisation autour, de la concertation des acteurs sur ses points clés, etc. – la date définitive à fixer reste entre le marteau des députés au Parlement, appelés à élargir les consultations, et l’enclume des radicaux de l’opposition et détracteurs de la nouvelle Loi, qui semblent militer pour le retrait de la Loi pour le moment.
Car, on le sait, la décision de reporter une nouvelle fois les élections, tient moins de la volonté de faire « une réforme constitutionnelle légère et rapide » que du souci de dégager le consensus qu’il faut afin que la nouvelle Constitution puisse assurer stabilité, unité et paix à notre pays et ce pour un avenir serin et prospère.
En réalité, l’opposition ne gagnerait pas en rejetant une proposition de discussions autour de la nouvelle Loi en vue de l’enrichir. Elle risque plutôt de s’en prendre à elle-même – comme dans plusieurs situations passées – une fois le processus abouti. En tous les cas, le ministre Bawara est clair : « le processus ira jusqu’au bout ».
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